La Légion étrangère

" Légia Patria Nostra "




Histoire

La Légion Etrangère fut créée le 10 mars 1831 sur ordonnance du roi Louis-Philippe qui spécifiait sa vocation à servir
"hors du territoire du royaume", exclusive qui a été retirée depuis lors. Elle fut initialement formée d'anciens membres
de la garde suisse et du régiment Hohenlohe encadrés par des Officiers Français.


1831 :
Participation à la conquête de l'Algérie.
1835 - 1838 : Elle fut cédée à l'Espagne qu'elle aida pour combattre l'insurrection Carliste
Une seconde Légion fut créée le 16 décembre 1835 pour continuer la conquête de l'Algérie.
1855 : Engagée dans la guerre de Crimée à Sébastopol.
1859 : Engagée sous les noms de 1er et 2e RE (Régiment étranger) dans la bataille de Magenta en Italie.
1862 : Engagée au Mexique, (voir le récit sur
La bataille de Camerone ).
1870 - 1871 : Participe à la guerre Franco-Prussienne puis retourne en Algérie.
1875 : Reprend le nom de Légion Etrangère.
1883 : Envoyée au Tonkin pour protéger les populations contre les pavillons noirs à Tuyen-Quang :
600 légionnaires résistent à 20 000 chinois.
1892 : Engagée au Dahomey contre Béhanzin, puis au Soudan et à Madagascar.
Puis dans le sud-oranais (Algérie) où les nomades multipliaient les razzias.

Première Guerre Mondiale : Stationnée au Maroc, une partie rentrera en France pour prendre part aux combats dans
cinq régiments encadrés par les anciens légionnaires. Il ne subsistera qu'un seul régiment de marche le RMLE qui fût
le premier de tous les régiments à recevoir la Médaille militaire en 1919.
Décoré également de la Légion d'honneur, il a 9 citations à son actif .

1920 - 1926 : Pacification du Maroc, lutte contre les Druzes en Syrie.
1935 : Comprend 18 000 Allemands !
1939 : Nombreux engagements de républicains espagnols, de nouveaux régiments et brigades sont constitués en France. Port officiel du képi blanc.
Avril 1940 : La 13e demi-brigade débarque et repousse les Allemands à Narvik en Norvège.
Devront rembarquer à cause des événements intervenus en France.

Seconde Guerre Mondiale : Tenue à l'écart du théâtre européen du fait du trop grand nombre d'engagés allemands.
Mai - juin 1942 : Bataille de Bir-Hakeim en Libye.
La Légion se dégage de l'étau Germano-Italien pour rejoindre les Alliés à El-Alamein.
1942 - 1943 : Combat en Tunisie puis en Italie.
Août 1944 : Débarque en Provence et remonte la vallée du Rhône jusqu'en Alsace puis l'Allemagne.
Arrivée à Belfort, incorpore un bataillon d'Ukrainiens servant alors dans la Wehrmacht.

1945 - 1954 : Guerre d'Indochine. La Légion va fournir 50% des forces françaises en présence à Dien Bien Phu.
1962 : 20 000 Légionnaires participent au maintien de l'ordre en Algérie.
Le premier REP qui s'était rallié au putsch d'Alger sera dissous le 30 avril.

Quitte Sidi-bel-Abbès qu'elle avait fondé en 1842. Brûle le pavillon chinois pris au Tonkin qui ne devait pas quitter
Sidi-bel-Abbès, emporte la main de bois du Capitaine Danjou (voir Camerone), les répliques du musée du souvenir
et exhume les cercueils du Général Rollet "Père de la Légion" , du Prince Aage de Danemark et, symboliquement, du Légionnaire Heinz Zimmermann, dernier tué en Algérie. Tout cela se trouve actuellement à Puyloubier, près de Marseille.
1969 - 1971 : Stationnée en partie au Tchad.
1978 : Engagée au Zaïre à Kolwezi pour protéger les civils européens des rebelles katangais.
Elle retournera ensuite au Tchad et au Liban où elle fera partie des Forces d'Interposition.


C’est en février 1862 que Napoléon III s’enfonce dans le guêpier mexicain. Un accord est intervenu entre Juarez, d’une part, l’Angleterre et l’Espagne de l’autre. Elles décident de rembarquer. L’Amiral Julien de La Gravière qui avait adhéré à l’accord est désavoué par l’Empereur. Celui-ci, définitivement acquis à son idée de grand empire catholique et latin,
‘ la plus grande pensée du règne’, dira Raüber à la tribune du corps législatif, donne plein pouvoirs au chargé d’affaires Dubois de Saligny et envoie un renfort de 4 500 hommes commandés par le Général Lorencez. La France est désormais seule. Lorencez, dont l’objectif est Mexico est arrêté en mai par la résistance de ‘Puebla l’arrogante’ et doit battre en retraite. L’échec est vivement ressenti en France. Au corps législatif, Jules Favre évoque les origines troubles de l’entreprise.
Napoléon III s’obstine : ‘Notre honneur militaire engagé, l’exigence de notre politique, l’intérêt de notre industrie et de notre commerce…’ Il envoie au Mexique le Général Forey avec 23 000 hommes. Forey met en avril 1863 le siège devant Puebla où Bazaine va se rendre célèbre.
La ville tombe en mai (ce qui vaudra à Forey et peu après à Bazaine le bâton de Maréchal ), ouvrant la route de Mexico.
Entre-temps s’était déroulée une de ces glorieuse bataille perdue dont la France est si riche.



A la vie, à la mort...     La bataille de Camerone


En avril 1863, les 28 000 hommes de Forey assiègent Puebla, à trois étapes de Mexico.
Ils attendent impatiemment un immense convoi qui doit leur apporter plusieurs millions
en or, toutes sortes de provisions de guerre et surtout, les canons lourds absolument
nécessaires pour détruire les remparts de la ville énergiquement défendue.
La colonne, formée à Véracruz, devra d’abord traverser les inhospitalières Terres Chaudes par l’unique et dangereuse route qui mène à Puebla. Les Terres Chaudes sont infestées de volontaires mexicains, les ‘guérilleros’, qui vivent en
sécurité dans les forêts profondes ou nous sommes trop faibles pour les traquer, en sortent soudain pour harceler et
détruire nos lentes processions de chariots et de mulets et disparaissent en un clin d’œil, leur coup fait, au galop de
leurs petits chevaux.
Le corps expéditionnaire périrait si le ravitaillement n’arrivait pas. La garde de notre ligne de communication, à travers
les Terres Chaudes, est donc d’une importance capitale et il ne faut pas s’étonner que l’on ait confié cette mission obscure mais vitale, à une unité d’élite, le Régiment étranger, ancêtre de la légion étrangère.
Tandis que la colonne de ravitaillement sort de Véracruz, tous les postes disséminés le long de la ligne de communication
s’agitent. Il faut se renseigner sur les guérilleros qui sont certainement aux aguets, les tromper, les attirer ailleurs, les
retarder, les battre s’ils attaquent. Entre autre mesure, le poste de Chiquihuite enverra une compagnie au-devant du
grand convoi, jusqu’à Palo Verde, qui est à 24 kms à l’est. C’est à la 3ème compagnie du 1er bataillon du Régiment étranger
qu’échoit cette mission. Elle est commandée par le Capitaine Adjudant-major Danjou, un brave qui a perdu la main
gauche en Crimée, mais n’a cessé de servir que le temps de se faire ajuster une main de bois articulée.
Un magnifique soldat au port altier, au regard clair et fier sous un front haut et droit. Un chef expérimenté et intelligent
un entraîneur d’hommes que ses soldats suivraient jusqu’en enfer. La compagnie ne compte que deux autres officiers
les Sous-lieutenants Vilain et Maudet, ce dernier porte-drapeau du régiment et 62 hommes de troupes.

C’est très peu pour assurer, dans un tel pays, la sécurité d’un tronçon de route de 24 kms.


UN CRI... ALERTE !

Le Capitaine Danjou quitte Chiquihuite à une heure du matin. Il s’arrête à peine au poste de Paso del Macho
(le pas de la Mule) ou il refuse une section de renfort.
-
Qu’importe, que l’on soit soixante ou quatre-vingts, quand il faudrait être mille.

Il repart, au milieu des ténèbres, traversant en aveugle la forêt, serrant sa petite troupe pour avoir tout son monde
sous la main en cas de surprise.
Ils marchent depuis longtemps quant au lever du soleil, ils arrivent devant un village abandonné, une douzaine de
cases indiennes couvertes de chaume, deux maisons inhabitées et une ancienne ‘hacienda’, une grande auberge un
peu mieux conservée que le reste dont le toit de tuiles rougeoie sous les rayons solaires... C'est
CAMERONE
Après l’avoir fouillé, ils repartent et arrivent vers sept heures à Palo Verde sans avoir rencontré âme qui vive.
La petite colonne s’arrête, déploie des sentinelles et allume le feu pour le café.

Soudain un cri retentit : Aux armes, l'ennemi !
En quelques minutes, la 3ème compagnie est sous les armes, prête à tout, et attend les ordres de son chef qui réfléchi.
Danjou ignore que le Colonel mexicain Millan était dissimulé dans la forêt à huit kms au nord de la route, avec 800
cavaliers et 1 200 fantassins ; Qu'il a promis au Général Ortega, le défenseur de Puebla, que les canons de siège qui
démantèleraient les remparts de la place n’arriveront jamais à pied d’œuvre. Par ses espions, il a suivi la marche de
la compagnie et veut l’anéantir.
Danjou devine rapidement la situation. Sa décision est prise. Il s’agit d'empêcher l’ennemi d’attaquer le convoi.
La compagnie se met en marche vers Camerone, en s’écartant de la route. Elle progresse à la lisière de la forêt, le
long des marécages ou la cavalerie ne pourra charger. L’ennemi a disparu aussi brusquement qu’il était apparu.
Voici la "37ème" arrivée au seuil du désert de Camerone (Prudence...) Des éclaireurs partent en avant.


Une balle siffle

Un sifflement déchire l’air. Un homme tombe. La 1ère balle de la journée vient d'être tirée. Le coup de feu est parti
d’une des maisons de Camerone. Au pas de charge, la compagnie fonce sur le village, le cerne, y pénètre, le fouille.
Les Mexicains l’ont déjà abandonné. On repart. A peine a-t-on fait 300 mètres que les cavaliers ennemis sortent de
tous les replis du terrain, des lisières de la forêt, des buissons. Il y en a partout !
Avec la précision et la promptitude des vieilles troupes, la compagnie forme le carré. L’adversaire s’est déployé en
un cercle qui se resserre petit à petit, lentement, inexorablement.
- Vous ne tirerez qu’à mon commandement ordonne Danjou d’une voix calme.
Il a rapidement évalué les effectifs ennemis. Il sait qu’il combat à un contre quinze mais la partie n’est pas désespérée.
Enfin, les Mexicains chargent. Ils ne sont plus qu’à 80 mètres, 60 mètres. Le capitaine Danjou se tait, il attend jusqu’à
ce que le plus mauvais tireur de la compagnie fasse sûrement mouche...
50 mètres.
- Feu !
Une épouvantable décharge ébranle l’air, suivie du crépitement discontinu du tir à volonté. L’effet a été foudroyant.
Tout ce qui reste, c’est un mince anneau d’hommes inertes et de chevaux couchés. Les autres ont tourné bride et fuient
sous le feu qui les poursuit. Ils se reforment, reviennent encore une fois à la charge, vigoureusement. Ils sont à nouveau
décimés et rejetés. Entre-temps, Danjou, qui a gardé la tête froide réfléchit.
Pour retarder cet ennemi puissant et l’empêcher d’attaquer le convoi, le mieux est d’atteindre l’hacienda de Camerone.
C’est un bien misérable abri, mais c’est le seul. Derrière ses murs branlants, les pertes seront moins lourdes et on
gagnera le temps nécessaire à l’arrivée de secours. Il faut faire une trouée de 300 mètres, à travers la cavalerie ennemie
et peut-être prendre d’assaut le bâtiment.
Danjou pointe son épée dans la direction du village.
-
En avant, et vive l’Empereur !
Devant la herse de baïonnettes fulgurantes qui se précipite sur eux, les Mexicains s’écartent en désordre.
La compagnie parvient à l’hacienda qui se compose d’une cour carrée, un coral d’environ 50 mètres de côté, entouré
d’un mur de 3 mètres de haut. A la face nord qui longe la route est adossée l’auberge, un corps de bâtiment partagé
en trois chambres. Sur le côté ouest, deux grandes portes cochères. Intérieurement, quelques vieux hangars délabrés
s’appuyant contre la clôture. Il faudrait tout occuper et faire jaillir des quatre faces de cette construction une nappe
de feu continue, sans fissures.
Hélas ! Il n’y a pas assez de monde pour cela, et d’ailleurs, des guérilleros sont déjà retranchés dans deux des trois
pièces de la maison et maîtres de l’escalier conduisant à l’unique étage.
Les en chasser ? On y laisserait toute la compagnie... Tant pis, on verra bien plus tard.
>Deux escouades occupent la seule chambre restée libre, à l’angle nord-ouest. Deux autres gardent les grandes portes.
Une cinquième défend une brèche que l’on vient de découvrir dans le mur, à l’angle sud-est de la cour et par laquelle
l’ennemi pourrait s’infiltrer, homme par homme, dans un des hangars. Le reste, en réserve, entre les deux portails, prêt
à se porter sur tout point menacé. Quelques hommes montent sur les toits et surveillent l’ennemi.

On comprend toute la faiblesse de ce fortin improvisé, ouvert à peu près partout et ou l’ennemi a déjà pris pied.
Une des chambres qu’il occupe a une fenêtre donnant sur le coral, par laquelle il peut tirer presque à bout portant
sur tout Français qui le traverse. (Or, il faut le traverser pour aller d’un poste à l’autre...)

Si précaire que soit ce refuge, tout en le barricadant et en le renforçant, on souffle un instant. Mais aussitôt la faim
et la soif oubliées dans la fièvre de l ‘action assaillent ces hommes qui, depuis la veille, n’ont rien mangé, n’ont bu
qu’un peu d’eau le matin. Le soleil est déjà accablant, l’air suffocant. Il n'est que neuf heures et demie !

Honteux de sa force, le Colonel Millan, qui a l’âme d’un gentilhomme, voudrait éviter une lutte inégale ou il n'a
aucun honneur à gagner. Sur son ordre, un des ses officiers crie au sergent Morzicki, qui est de guet sur un toit :
-
Dites à votre Capitaine, de la part du Colonel Millan, qu’il n’a plus qu’à se rendre.
Puis il ajoute, un ton plus bas, d'homme à homme, d’une voix que l’émotion trouble :
-
Vous avez assez prouvé ce dont vous êtes capables, que diable !
Il est des défaites auxquelles il faut se résigner.

Le Sergent transmet la sommation à son chef.
Calmement, énergiquement, mais sans forfanterie, Danjou prononce ces mots :
-
Dites-leur que nous avons des cartouches...
On nous aura seulement quand nous seront tous tués. Tous !

Puis tourné vers le coral, il élève la voix pour que tous les soldats l’entendent :
-
Mes enfants, défendez-vous jusqu’à la mort !

Des quatre coins de la cour, soixante voix répondent :
-
Mon Capitaine, jusqu’à la mort ! Nous en faisons le serment !


Une lutte sans pitié

 

Alors l’assaut commence, sur les quatre faces à la fois.

Les Mexicains attaquent à pied ; Mais leurs masses compactes viennent se briser et s’écrouler contre le mur
d’enceinte ou ceux qui ont échappé aux balles tombent percés de baïonnettes ; Non sans pertes de notre côté.

Le Sergent-major Tonnel, qui se bat comme un lion, dans la chambre d’angle, meurt en hurlant :
-
Allons, les enfants ! Courage ! Pour la France et l’honneur de la 3ème !
Vous savez la consigne…Jusqu’à la mort !
Mais le plus grave danger est au cœur même de la place. Les Mexicains ont percé de meurtrières les deux chambres
qu’ils occupent depuis le début et même celle de l’étage qu’ils ont envahies. De ces ouvertures, de la fenêtre et du toit
un feu d’enfer balaie le coral. Deux Fusiliers y sont gravement atteints.

Il y a plus d’une heure que dure cette lutte inégale, lorsque la grande voix de Danjou retentit de nouveau :
-
Mes enfants, jurez de lutter tant qu’il y aura un homme debout !
D’un seul cri, si puissant que pendant plusieurs secondes l’ennemi cesse de tirer par peur ou par respect, tous les hommes prêtent serment :
-
Nous le jurons ! Oui, jusqu’à la mort !
On pourrait croire que le Capitaine Danjou a vu la mort arriver et que son dernier mot est un testament sacré ; à peine l’écho de ce vœu solennel s’est-il tu qu’il tombe, au beau milieu de la cour qu’il traversait en brandissant son épée.
Une balle l’a frappé en plein cœur. Le regard tourné vers le ciel, il meurt quelques secondes plus tard dans les bras
du Sous-lieutenant Maudet accouru pour le relever. Le Sous-lieutenant Vilain prend le commandement.

La situation s’est aggravée. Par des trous percés dans les murs et le plafond, les Mexicains tirent
maintenant presque à bout portant sur les défenseurs de la chambre d’angle qui doivent l’évacuer.

Sur les quinze hommes qui y étaient entrés, il n’en sort que six ! Presque tous blessés.
Les Français n’ont plus pour s’abriter que les hangars en ruine. En très peu de temps, six d'entre eux tombent encore.

Soudain, un espoir fou les redresse. Dans le lointain, on entend des tambours battre, des clairons sonner...
Serait-ce une colonne de secours venue de Paso del Macho ?

Hélas ! L'illusion ne dure pas longtemps. Ce sont des renforts ennemis.

Les ennemis sont maintenant 2 000... Il va falloir se battre à un contre quarante ou cinquante !
A partir de maintenant, Camerone est plus haut et plus grand qu’un combat. C’est l’immolation de martyres de l’honneur.
Mourant de faim et de fatigue, les corps déchirés par la soif, aveuglés par le soleil tropical, traqués par le feu de l‘ennemi
qui a fait de nouvelles brèches, les Légionnaires tombent un à un. Les souffrances des blessés sont atroces et rien ne peut les alléger. Quelques-uns d’entre eux boivent leur sang pour tromper la soif. Mais personne ne pense à se rendre.
Aux plus mauvais moments, le Sous-lieutenant Vilain, jeune chef à visage d’enfant, enflamme les courages en montrant
d’un geste de son épée, le corps du Capitaine étendu sur le sol, au milieu d’autres cadavres.
-
Vous savez ce que nous avons juré à notre Capitaine !
Il tombe un instant plus tard, foudrayé par une balle en plein front.
L’ennemi semble être de plus en plus embarrassé de cette victoire sans gloire. Vers quatorze heures, voyant le Sergent
Morzicki perché à son poste d’observation, le Colonel Millan lui adresse, pour la 2ème fois la sommation de se rendre.

Cette fois, Morzicki répond lui-même. Mais comme il est fou de rage, sa réplique est impolie et si " raide"...
que l’on ne peut la reproduire ici. Au moins, elle ne laisse aucune illusion à l’ennemi.
Il semble que ce dernier ait renoncé à s’approcher des
[*] démons français.
A cinquante contre un, il va encore lui falloir recourir à la ruse ! Il met le feu à la maison et le vent venant du nord
les flammes lèchent bientôt les hangars et la fumée emplie le coral qui devient rapidement une fournaise irrespirable.

[*] "non son hombres, son demonios"

"Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons" a dit d'eux un Officier Mexicain.

 
Chacun se cramponne à son créneau ou à sa brèche, seul, séparé des camarades que l’on ne voit plus.
Par miracle, l’incendie s’éteint de lui-même et son nuage se dissipe avant la possibilité d'un corps à corps.
Vers dix-sept heures, il y a un moment de répit et de profond silence.
Puis les échos d’une voix vibrante, martelée, furieuse, parviennent jusqu’aux Légionnaires.
C’est le Colonel Millan qui exhorte ses hommes. Un Soldat traduit sa harangue.
- Il faut en finir.... Quelle honte ineffaçable, si nous ne pouvions venir à bout de ces quelques
hommes épuisés, qui se meurent déjà ! Il faut se hâter. Au nom de la gloire, de l’honneur et
de l’indépendance de la patrie, un dernier assaut.
Amenez-les moi vivants, pour ajouter à votre triomphe, ces hommes qui vous montrent
après tout, ce que peut faire une volonté invincible...
Des applaudissements frénétiques prouvent que l’appel a porté. L’Infanterie ennemie se masse, en bataillon serré.
Dans le coral, les survivants, 15 à 20 hommes, se regardent et, spontanément, renouvellent le serment de ne pas se
rendre. Les Mexicains se ruent sur la cour. C’est une avalanche irrésistible qui enfonce les portes et déborde par toutes
les ouvertures. Le Sergent Morzicki et plusieurs hommes se font tuer sur place. A la grande porte, le Caporal Berg, dernier
et seul défenseur, entouré de cent ennemis est pris. A la brèche de l’angle sud-est, les Caporaux Magnin et Pinzinguer et
les Fusiliers Kunasseck et Gorki se défendent encore, des pieds et des mains.

Les six derniers



I
l ne reste bientôt que le Sous-lieutenant Maudet, avec le Caporal Maine et les Soldats Catteau, Winsel, Constantin et
Léonard. Ils se sont retirés dans les débris écroulés d’un hangar fumant, à l ‘angle sud-ouest du coral. Ils ne sont plus
que six et, pourtant, l’ennemi n’ose pas encore les aborder. Ils vont tenir encore un quart d’heure...
- Tirez toutes vos balles, dit l’officier. Toutes, sauf une que vous garderez...
Ils en sont réduits à cette extrémité.
- Attention ! s’écrie alors le porte-drapeau, les larmes aux yeux. Vous tirerez la dernière cartouche à mon commandement, puis vous chargerez à la baïonnette derrière moi.
Mes enfants, je vous fais mes adieux...

Quelques secondes d’un silence poignant, qui trompent les Mexicains. Ils se hasardent hors de leurs abris, avancent...
- En joue… Feu  commande Maudet.
Puis il s’élance, sabre au clair, au-devant de l’ennemi. Léonard le dépasse, le couvre de son corps, s’abat foudroyé.
Winsel blessé, tombe, se relève. Deux balles atteignent Maudet à la hanche. Il mourra huit jours plus tard, à l'hôpital.
Les trois derniers se précipitent sur les ennemies qui les cernent.
- Arrêtez ! crie un Officier Mexicain.
Du sabre, il relève les fusils de ses hommes.
-
Et vous, messieurs, rendez-vous ! dit-il aux Français.
- Nous nous rendrons (répond l’un d’eux) que si vous nous promettez de relever et soigner
nos blessés, de nous laisser nos armes et de dire que nous avons fait notre devoir
jusqu’au bout... à qui voudra l’entendre.
Ceux à quoi l'Officier lui répond :
-
On ne refuse rien à des hommes comme vous.
Ce noble adversaire, c’est le Colonel Combas.
Il prend par le bras deux des Légionnaires dont les blessures saignent et les aident à gagner l’ambulance.
Ainsi finit la 3ème Compagnie du 1er Régiment étranger, le 30 avril 1863, après neuf heures de combat ininterrompu
qui coûtèrent à l’ennemi une perte de 300 à 400 hommes, soit cinq à six fois l’effectif des Français.
Leur sacrifice sauva probablement le convoi. Bien qu’il fût parvenu à huit kms des forces du Colonel Millan, celui-ci
ne l’attaqua pas. Tout se passa comme si le chef Mexicain hésitait, après ce combat de géant, devant un nouvel effort.



Inscriptions

 

figurant sur les drapeaux de la Légion


Camerone 1863
Artois 1915
Champagne 1915
La Somme 1916
Verdun 1917
Picardie 1918
Maroc 1925-1926


Relire le récit de la bataille de Camerone

 

Ayez un profond respect pour ses Hommes...


La première est celle d’une défaite subie par soixantes hommes.
Les autres celle de victoires remportées par des armées entières.

Mais il est des défaites aussi glorieuses que des victoires...